Ha, ha, ha. J'aime provoquer. Non, vos dieux, mes chers amis humains, n'ont pas d'existence matérielle. Combien d'histoires d'humains qui demandent à leur dieu (ou leurs dieux) d'intervenir dans le monde pour modifier quelque chose ? Et combien de succès ? La réponse à la première question nécessite une étude exhaustive des actions humaines qu'il m'est impossible de mener à bien. En toute objectivité, la même chose vaut pour la deuxième question, mais le lecteur sera aisément convaincu (je l'espère) que la réponse est zéro.
Toujours est-il que nous avons tous (oui, tous) une certaine idée de quelque chose qui peut s'apparenter de près ou de loin à un dieu.
Notons déjà que cette idée évolue dans le temps et la situation géographique de celui qui la fait tourner dans les synapses de son cerveau. On peut distinguer l'animisme, le polythéisme, le monothéisme, et pleins de variations. Quant à celui qui se prétend athée, rationaliste et j'en passe (j'en suis un, je sais de quoi il retourne), qu'il soit honnête. Il a lui aussi une certaine idée d'un dieu. Qu'il réflechisse à l'univers par exemple. On peut dérouler toute la théorie des origines du monde, en définitive on en arrive toujours à un mystère, à un phénomène inexpliqué. Qu'est-ce qu'il y avait avant le big-bang ? D'où vient la matière ? On ne sait pas répondre, aujourd'hui. On n'a pas d'idée, pas d'idée rationnelle, basée sur des faits, en tout cas. L'idée de dieu trouve là un point d'entrée évident dans nos cerveaux. Soyez honnête et ne le niez pas ! blasphémateurs nihilistes que vous êtes !
Donc, nous avons tous une idée de dieu. Qu'elle nous ait été imposée par nos géniteurs ou leurs directeurs de conscience, ou simplement qu'elle vienne de nos insuffisances cognitives à expliquer le monde autour de nous, cette idée s'imprègne en nous, et ne nous laisse pas indifférents.
Et là, la question se pose. Si tous les êtres humains ont cette intuition d'une divinité, n'est-ce pas là un indice de son existence ?
Il faut revenir aux sources. Pourquoi les humains croient-ils en un ou plusieurs dieux ? Qu'est-ce qu'un dieu finalement ?
Un dieu est une explication à l'inexplicable. C'est à peu près clair. L'histoire des religions peut nous aider à comprendre cette idée. Les humains, à l'époque, ne comprenaient encore pas grand chose au monde qui les entourait. Ils avaient sans doute des cerveaux pas tellement éloignés des nôtres, avec toutes les facultés cognitives que cela suppose, mais ils n'avaient pas encore développé tous les outils linguistiques, conceptuels et méthodologiques que nous avons à notre disposition (et qui disparaîtront avec nous, ce qui me place dans un état de peur, de tristesse, d'angoisse et de frustration extrêmes, croyez-moi). Ils ne savaient pas comment approcher le monde, comment faire des expériences scientifiques, comment poser des hypothèses et les tester sur le réel. Et nous l'avons, maintenant, et cela nous permet de mieux appréhender le monde, d'en avoir moins peur. Nous savons comment l'analyser, et ça marche.
Une question en passant serait de savoir si cette méthode est la seule, si on pourrait comprendre le monde sans l'analyser par la méthode rationnelle. Certains pourraient être tentés de répondre que oui, pourquoi pas, tout est possible avec les humains. J'oserai dire que non, que le réel étant ce qu'il est, il faut bien qu'on soit ce qu'on soit pour que l'on continue à y survivre. (C'est faible, je sais, c'est juste une idée en passant ; j'y reviendrais peut-être plus tard, en me relisant.)
Ils étaient donc là, avec leur incompréhension du monde. Et (c'est là une hypothèse forte de mon discours) le cerveau étant câblé pour comprendre, et se trouvant face à l'incompréhensible, il a inventé des explications, en utilisant ce qu'il avait sous la main, à savoir pas grand chose, ce qui a donné l'idée de dieu. Puis certains, par erreurs, par essais, ont apporté d'autres thèses d'explications, et d'autres méthodes aussi, qui permettaient d'analyser et de prévoir le comportement futur des objets du monde. C'est ainsi qu'aujourd'hui, on va voyager pour aller observer une éclipse solaire, alors qu'à une époque, la disparition du soleil aurait été vécue comme une tragédie insupportable, pouvant aller jusqu'à la mort.
L'idée de dieu est vieille, et elle explique l'inexplicable. Avec le temps, elle a évolué, il a bien fallu, puisque l'on comprenait de plus en plus le monde. Aujourd'hui, on peut vivre dans l'espace, vous rendez-vous compte ? Un endroit froid, vide, mort. Et des humains y vivent. C'est dingue. Vous rendez-vous compte de la masse de connaissance que cet exploit suppose ? Donc, forcément, face à l'évolution des connaissances humaines, l'idée de dieu a dû changer de forme. Mais elle est toujours présente, évidemment, puisqu'il y aura toujours des phénomènes qu'on ne comprendra pas et que notre cerveau, risquant un endommagement irrémédiable s'il ne fait rien, s'il ne trouve pas d'explication, se raccrochera à elle, en dernier recours.
Car le cerveau humain veut comprendre. Il est une machine à comprendre. Il doit comprendre, il est câblé pour ce faire. Que l'explication lui échappe, et il devra trouver quelque chose, forcément quelque chose à mettre là, quoi que ce soit. Et c'est dieu. C'est l'idée de dieu.
Nous sommes obligés de comprendre, donc nous inventons dieu lorsque l'on y arrive pas. Si, il y a un but, si, forcément. L'univers n'est pas un système auto-organisé en dérive étrange. Il y a quelque chose derrière, il y a un but, un sens, quelque chose, c'est obligatoire !
Le cerveau crée le sens. Il le crée, mais il croit. C'est-à-dire qu'il lui manque ce recul face à lui-même pour s'analyser, et analyser ses réactions, et analyser son analyse. (C'est peu clair.)
Nous arrivons à un point fondamental. Ce qui fait la force du cerveau, c'est aussi ce qui fait sa faiblesse. Il a la nécessité de comprendre. C'est son fonctionnement. Mais que se passe-t-il quand il ne comprend pas ? Comment réagit-il ? Il ne se pose pas la question de ses limites. Il ne se dit pas : « je ne sais pas ». Non, il doit expliquer. C'est là la faiblesse du cerveau. Il n'a pas conscience de ses limites. Il ne sait pas s'arrêter, et se dire : « Stop ! Je dérive. L'analyse que je suis en train de faire est fausse, je suis en plein délire, en dysfonctionnement. »
Mais cette faiblesse n'est peut-être pas définitive, obligatoire et éternelle. Si j'écris ce texte, si j'arrive à saisir cette limite, ce dysfonctionnement de mon propre cerveau, et que pour ce faire, j'utilise mon cerveau-même, c'est qu'il est possible de s'en sortir. (Un lecteur pointilleux pourrait avoir envie de détecter ici une pointe de condescendance, du genre « moi je suis plus fort que vous, je sais des choses que vous ne savez pas, je vous suis supérieur ». Tout d'abord, ce texte peut n'avoir absolument aucun sens. Ensuite, s'il en a un, si c'est vrai, alors c'est un immense espoir pour tout le monde. Enfin je pense. Enfin bref. Tout ça pour dire que je ne me sens pas supérieur à qui que ce soit, quoi. J'ai pas besoin de ça pour vivre, moi.)
Il me semble que l'histoire peut nous aider beaucoup dans cette affaire, l'histoire des idées, évidemment, pas des guerres ou des dominants névrosés qui ont besoin d'écraser les autres pour justifier leurs misérables petites existences vides (comme la mienne, mais moi je le sais et je m'en accomode).
Les humains (ça me gave d'écrire humain, homme ça sonne mieux, mais ça fait sexiste, et comme ce texte est destiné aussi aux autres, ben je fais un peu gaffe à pas blaisser inutilement quoi) ont cru que la Terre était plate. Elle ne l'est pas. Ils ont cru que le soleil tournait autour, c'est le contraire. Ils ont cru qu'elle était au centre du monde, c'est faux, elle est dans une pauvre galaxie perdue nulle part, dans un de ses bras, rien de spécial. Ils ont aussi cru que l'Homme était au-dessus de tout, qu'il venait de nulle part, c'est faux. On est une espèce comme une autre, on a évolué, et on continue. On se console encore en se disant qu'on est quand même plus fort que les autres espèces. Bah, ça passera.
Et attention, je ne dis pas que maintenant, on ne croit plus, mais nos croyances sont maintenant beaucoup plus réalistes. Elles dérivent du réel, beaucoup plus qu'avant. Quand on a voyagé pour mesurer les ombres portées sur la Terre par le soleil, et qu'on en a déduit que la première devait être ronde pour expliquer les variations observées, ce n'était là qu'une autre croyance, mais beaucoup plus réaliste. (Aujourd'hui, on ne croit pas qu'elle est ronde, puisque comme elle tourne sur elle-même, elle est un peu applatie aux pôles (j'espère que je dis pas une grosse connerie là).)
Et on a là aussi toute la puissance de l'humanité, qui crée des idées, et les remet en question plus tard. Il serait bon qu'un humain donné soit à même d'effectuer ces changements de lui-même, mais il semblerait qu'il faille attendre la génération suivante ou plus encore. Même les scientifiques n'échappent pas à ce travers. Une idée nouvelle aura beaucoup de mal à convaincre les collègues, qui sont dans un autre espace conceptuel.
Est-ce qu'on abandonnera un jour cette absurdité qui est de figer nos idées et nos concepts, à s'y accrocher jusqu'à la mort, comme à une bouée de sauvetage qui viendrait donner du sens à ce bazar ? Saura-t-on un jour oublier l'idée de dieu ?
C'est à espérer. La Terre n'est pas éternelle. Il serait dommage que toutes nos inventions disparaissent à cause d'erreurs de parcours qui peuvent être fatales.
Nous devons réaliser que nos idées et nos concepts ne sont rien. Nous les avons entièrement créés, et s'ils sont en désaccord avec le monde, il faut les changer.
On a là la source d'une morale libérée de toute forme d'autorité et de violence. Seul le réel et sa sanction fatale doivent nous guider vers... mais vers quoi, ça...
Pourquoi vouloir abattre l'autorité, me direz-vous ? Parce que l'autorité est une absurdité. Les idées que nous créons, nous les avons créées, c'est tout. Il n'y a pas à s'y soumettre, à les faire survivre à notre incapacité à les modifier, ce qui peut nous détruire au passage (et ce qui a détruit une bonne quantité d'humains qui sont partis mourir à la guerre pour d'incommensurables conneries). Donc, une idée n'a pas à avoir d'autorité sur nous. Maintenant, que sont les systèmes sociaux, politiques et religieux, sinon des idées ?
Soyons libres, bordel !
Date de création :
Thu, 25 Dec 2003 20:02:25 +0100
Date de dernière mise à jour :
Thu, 10 Apr 2008 11:05:49 +0200
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