Nous dirons ici que la conscience est la connaissance qu'a une chose de son état.
Cette définition n'en est peut-être pas une, ou bien elle est fausse, ou que sais-je encore. Mais il faut bien partir de quelque-part.
Elle est assez proche, me semble-t-il, de ce que pensent mes contemporains, notamment quand ils disent que l'être humain est cet être qui se caractérise par sa conscience, propriété dont il serait la seule expression dans le règne du vivant, ce qui le placerait au-delà du reste des êtres et des choses, singularité bien particulière de cet univers qui nous contient. (Notons que cette remarque est attaquable ; en effet, dire que ce que pensent mes contemporains de la conscience est la connaissance qu'a un objet de son état alors que pour la plupart d'entre eux la conscience c'est eux et rien qu'eux, et qu'ils se fichent de la connaissance qu'a un objet de son état, est peut-être juste une justification a priori permettant le développement qui va suivre. Nous verrons bien.)
Les autres n'ont pas conscience. Ils ne savent pas qu'ils vivent et qu'ils vont mourir. C'est ce qu'on peut entendre de-ci de-là, au hasard de l'écoute des paroles humaines.
Qu'en est-il ? Comment un être peut-il se qualifier lui-même d'être conscient, et nier aux autres cette faculté, alors même que ce faisant il utilise l'objet qu'il est censé définir et dont il est censé être le seul possédant ? N'y a-t-il pas là simple vanité d'un être qui se veut supérieur à tout, et qui recherche (désespérément) les preuves de cette croyance, qu'il pose pour vraie, sans y réfléchir plus avant ? Ou bien encore, ne serait-ce pas que l'être humain confonde le fait de dire « je suis conscient » avec la conscience-même ? et comme les autres n'ont pas ce langage articulé, c'est qu'ils ne sont pas conscients ? Les êtres humains sont-ils seulement conscients ?
Ainsi donc, l'être humain serait le représentant de la conscience. La conscience serait cette faculté typiquement humaine.
Que l'être humain ait conscience de sa propre existence ne fait aucun doute. Du moins en première approximation. Comment en effet mesure la conscience d'un être ? Est-ce qu'il faut que cet être dise (d'une manière ou d'une autre) qu'il a une conscience (donc cela voudrait dire que la conscience n'existe que dès l'instant où l'on dit être conscient) ou bien existe-t-il des critères objectifs, extérieurs à l'objet d'étude, qui permettent d'attribuer une conscience à l'objet ou pas ?
Si on dit que la conscience, c'est la connaissance qu'une chose a de son état, la seule manière objective d'attribution d'une conscience à un être serait de modifier cet état. Toute mesure objective procède ainsi. On modifie (d'une manière ou d'une autre) l'objet d'étude, et on évalue ensuite l'évolution de l'objet par rapport aux modifications apportées. Si l'objet possède une propriété, on détectera cette propriété. Maintenant, pour ce qui concerne la conscience, comment modifier l'état d'une chose en vu de détecter si elle possède une conscience ?
Une première réponse vient immédiatement à l'esprit. Tentons de tuer la chose. Si elle a une conscience, alors elle a connaissance d'être en vie et elle va résister à la tentative de meurtre à laquelle on la soumet.
Mais quid d'une chose qui ne vit pas ? On pourrait juste dire que la conscience n'existe pas chez les êtres non vivants, et évacuer ainsi le problème. On tombe dans le même travers que celui qui consiste à dire que seuls les êtres humains sont conscients. On ne fait qu'affirmer que les objets non vivants n'ont pas de conscience, mais rien n'est prouvé. Si effectivement, les objets non vivants n'ont pas de conscience, encore faut-il le prouver.
On pourrait répondre à cela : « Mais c'est évident, une chaise n'a pas conscience d'elle-même ; elle n'a pas de conscience ! Quel est ce délire philosophico-absurde ? » Pourquoi pas. Et pourquoi pas non plus dire exactement la même chose en remplaçant « chaise » par « chien » ou même encore, osons, par « homme ». On pourrait même avancer des arguments allant dans ce sens. Un soldat est un homme, qui sait qu'il risque énormément à faire son métier de soldat. Et pourtant, il va à la guerre. Où est la conscience là-dedans ? Si on mesure la conscience par la réaction au meurtre potentiel, clairement un soldat n'a pas de conscience, puisqu'il va à la guerre. On dira : « Il y va, mais il a peur. » Et alors ? Il y va, non ?
Ou alors, il faut modifier la définition de la conscience, ce qui semble le plus sage à ce niveau.
On dira alors que la conscience est la faculté qu'à un être vivant de savoir dans quel état il se trouve.
Et ici, on peut mesurer la conscience d'un être vivant. Tout simplement car on peut caractériser les états des êtres vivants.
Tout d'abord un être vivant est soit vivant soit mort (oui, un être vivant mort n'est plus vivant, il est donc difficile de parler d'être vivant dans ce cas, mais on comprend l'idée). Ensuite, un être vivant qui est en vie peut être en bonne santé, malade, avoir certaines parties de son organisme en très mauvais état, etc.
Et dans ce contexte, la conscience serait d'essayer de transformer son état pour aller le mieux possible. Clairement, si un être essaye d'aller le mieux possible, il a conscience de son état, puisqu'il agit dessus. Il sait par exemple qu'il a faim, qu'il a froid, etc. Et il va essayer de se procurer de la nourriture, un abris, etc. C'est la preuve de la conscience d'un être vivant. Et dans ce cas, tous les êtres vivants sont conscients, puisqu'ils vont tous agir pour aller le mieux possible, c'est-à-dire reculer l'échéance de la mort, en définitive.
Certains diront que non, que ce n'est pas cela la conscience. Nous sommes des êtres humains, et nous sommes conscients, et le reste n'est pas conscient.
On peut accepter cette définition. Pourquoi pas. Toute définition n'est que cela, une définition. Mais dans ce cas précis, l'intention de l'auteur de la défition est claire. Il veut forcer son interlocuteur à accepter l'idée d'une supériorité de l'être humain, qui serait le dessein de Dieu, la plus belle créature de l'Univers, ou je ne sais quelle affabulation morbide. Et l'interlocuteur naïf pourrait avoir comme définition de conscience la connaissance qu'a n'importe quelle chose de son état, et penser alors qu'effectivement les êtres humains sont supérieurs, puisque les autres bestioles n'ont pas cet attribut.
La conscience n'est pas une spécificité de l'humanité. Nous dirons que tout être vivant, puisque capable de modifier son état en vue de rester en vie le plus longtemps possible, a une conscience. Et nous ne nous prononcerons pas sur la conscience des êtres non vivants.
Il semble que la conscience pose problème pour des raisons morales. On peut faire ce que l'on veut d'un être non conscient, mais pas d'un être conscient. Tel semble être le casus belli de beaucoup.
Poser la possibilité d'un acte vis-à-vis d'un autre être en fonction de la conscience supposée de cet être semble une bien mauvaise voie. Il est difficile de savoir si un être est conscient ou pas. Si on veut agir de manière rationnelle sur le monde, on ne peut pas justifier ses actes par la conscience des êtres qui nous entourent (ou par la sienne propre, si tant est que l'on soit conscient).
Donc, pour finir, qu'importe la conscience. Il faudra trouver autre chose pour « mesurer » ses actes.
Date de création : Tue, 24 Jun 2003 20:23:26 +0200
Date de dernière mise à jour :
Thu, 10 Apr 2008 11:05:02 +0200
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